La gâchette
Si vous voyez des anglais d’après match faire un signe en V en brandissant la main cela ne signifie par le V de la victoire. Selon la légende, ces deux doigts sont ceux de l’archer anglais que les chevaliers français lui coupaient s’ils attrapaient cette fiotte qui tue à distance sans rien risquer. C’est l’équivalent so british du doigt d’honneur que l’anglais brandit pour montrer qu’il a encore les doigts pour tirer à l’arc.
Le chevalier français, au corps à corps ou à l’épée, exerçait la force dans la continuité entre son corps et celui de l’ennemi. L’archer qui tuait à distance est peut-être à l’origine de l’adjectif “perfide” qu’on emploie guère que pour les seuls anglais.
L'introduction du déclencheur dans les instruments de combat, signifiant un point tournant dans l'histoire de la confrontation humaine, peut être interprétée non seulement comme une étape dans la dévirilisation, mais aussi comme une métaphore de la diminution du goût pour l'effort. La lutte physique directe, qui exigeait autrefois un engagement total du corps et de l'esprit, a progressivement cédé la place à des méthodes de combat où un geste minimal — la pression sur une gâchette — peut libérer une force dévastatrice.
Cette transition d'une participation corporelle exigeante vers une action à peine physique suggère une évolution vers une recherche de résultats maximaux avec un minimum d'effort investi. La symbolique de l'arc puis des armes à feu témoigne de cette tendance : la flèche propulsée par l'arc requiert moins de force que le coup de poing ou l'épée, et la balle tirée par un fusil encore moins que la flèche.
Dans le domaine contemporain du jeu vidéo, cette tendance atteint son apogée. Le joueur, acteur de conflits virtuels, exerce son pouvoir par l'intermédiaire d'un avatar, avec pour seul effort la manipulation de boutons et de joysticks. Cela pourrait suggérer que la valeur autrefois accordée à la persévérance et à l'effort soutenu se dissout dans la gratification immédiate et l'effet disproportionné du moindre input. Il n’a même plus à se tenir droit, il peut tuer vautré sur son canapé.
Cette diminution apparente de l'appréciation pour l'effort peut refléter un changement culturel plus large dans notre approche des défis et des réalisations. Dans une perspective sociologique, la facilité d'obtenir des résultats sans un effort proportionnel pourrait être vue comme une érosion de la discipline et de la détermination qui étaient autrefois des piliers de la masculinité traditionnelle et, par extension, du caractère humain vaillant.
L'essor du déclencheur dans les mécanismes de combat illustre une évolution significative dans la nature de l'effort humain, qui peut également être associée à une quête de gratification dopaminergique immédiate. La dopamine, neurotransmetteur associé au plaisir et à la récompense, est traditionnellement libérée lors d'activités gratifiantes, qui, dans un contexte prémoderne, étaient souvent le résultat d'efforts physiques et d'exploits laborieux.
À l'origine, le combat au corps à corps était une source de libération de dopamine obtenue par un investissement physique et mental intense. Cependant, avec l'introduction de l'arc et plus tard des armes à feu, l'effort requis pour infliger des dégâts ou remporter une victoire s'est réduit considérablement. Le simple acte de presser sur une gâchette peut désormais fournir une récompense disproportionnée par rapport à l'effort fourni — une forme de 'dopamine facile'.
La dynamique de la 'dopamine facile' s'est exacerbée dans la culture contemporaine du jeu vidéo. L'interaction avec les jeux vidéo offre une libération rapide et répétée de dopamine à travers des succès virtuels, souvent dépourvus de l'effort physique ou de l'endurance autrefois nécessaires dans les affrontements réels. La satisfaction immédiate remplace l'investissement sur le long terme, ce qui pourrait être interprété comme une perte du goût de l'effort et une dévalorisation de la persévérance.
Cette évolution vers une gratification rapide et moindre pourrait refléter des changements dans les valeurs sociétales, où la patience et la ténacité sont éclipsées par la recherche de résultats instantanés. En ce sens, l'introduction du déclencheur symbolise non seulement une possible dévirilisation dans le contexte historique du combat, mais aussi une mutation dans la relation entre l'effort et la récompense dans la psyché humaine, érodant ce qui était autrefois une manifestation de la virilité et de la résilience humaine.
L’apparition de la gâchette suit assez directement l’évolution du gras chez l’homme. La puissance requise par le combat de proximité n’est pas compatible avec le lard, la gachette, a fortiori le joystick, si.
Cela appelle deux remarques très désagréables:
- Les chevaliers furent battus par les archers à Azincourt : en plus d’être facile, la gachette est un avantage
- Les héros à “gâchettes” de Robin des Bois, au cowboy US, n’ont pas si mal marché même s’ils font pâle figure en face d’un Arthur ou d’un Roland, mais il va se passer un moment avant qu’on trouve héroïque le gros lard une main sur le joystick l’autre dans la paquet de chips
Ce que réussissent très bien les arts martiaux tels que ceux qui utilisent l’arc, c’est de ne pas justifier l’avachissement par la gâchette, de vouloir que la facilité du déclencheur oblige l’archer à une discipline, à une posture, à une tenacité.
Avoir des outils faciles, ce n’est pas pour en faire moins, c’est pour en faire mieux et plus.