Les hommes sont-ils de mauvaise foi? La mauvaise foi est-elle masculine quand la franchise serait plus virile?
Sartre qui, soutenant Mao et Staline, en était spécialiste, explique la mauvaise foi comme une lutte entre l'être et le néant, entre le refus de la responsabilité et la liberté.
La mauvaise foi est une forme de mensonge affirmatif, une négation appuyée de la réalité. Trump nous en a montré de grandes applications. Mais l'homme marié volage la pratique chaque jour.
Contrairement au mensonge, qui se contente de dire ce qui n'est pas, la mauvaise foi affirme en outre son innocence et sa vertu.
Dans le film de Woody Allen, Une Autre Femme, l'époux pris en faute dit à sa femme "J'accepte ta condamnation". Il y a dans cette phrase toute l'arrogance de la mauvaise foi: accepter la condamnation n'est pas accepter la culpabilité, au contraire. Cela renvoie l'autre au rang de juge illégitime dont finalement l'opinion est sans importance et ne remet rien en cause.
Revenons à notre spécialiste, Sartre. La mauvaise foi pose la question d'un choix entre une liberté angoissante (néant) et une chosification réconfortante mais mystificatrice (être) [i].
L'archétype viril est libre. Le Chevalier "sans peur et sans reproche", forcément solitaire, le "poor lonesome cowboy". Il ne peut donc pas être de mauvaise foi puisqu'il assume sa nature et sa liberté quitte à subir l'angoisse qui va avec.
Le masculin social, lui, cherche à minimiser ses emmerdes en prenant un maximum de plaisir, au dépens des autres. Dans le cas du film de Woody Allen, le mari ne veut pas choisir entre le plaisir de la relation adultère et le confort social de la vie conjugale d'un bourgeois de New-York. La maîtresse elle-même devient un "service" qui peut être remplacé par un autre service si l'on se lasse du premier.
Cette trahison molle que nous appelons mauvaise foi, nous la pratiquons tous, mais chez certains elle est pathologique.
Un autre aspect, plus stoïcien, du sujet, est, qu'à forte pratique, la mauvaise foi devient un joker universel, une martingale magique au recours systématique. Alors l'homme masculin quitte définitivement la virilité pour s'engager dans le pire des mensonges: le mensonge envers soi-même. On prétend que l'Irak dispose d'armes de destruction massive, que l'Ukraine menace la mère Russie, que les gays conspirent contre la civilisation.
Les ravages géopolitiques de la mauvaise foi ne sont pas des fantasmes. Quitter le masculin pour le viril, la contingence rassurante pour la liberté angoissante, c'est ça le courage.
Référence:
[i] FONTANILLE, J. (2011). La Mauvaise Foi. In 114 (Issue 114). Universite de Limoges. https://doi.org/10.25965/as.2582